Pire que la censure, l'auto-censure.

Je promenais mon chien dans le parc.

Une femme est arrivée avec sa labrador, très belle chienne de couleur brune, qui s'est ruée sur mon Golden. Ils ont joué pendant 20 minutes comme des lionceaux dans un Disney. C'était choux. J'ai pris une photo, comme un con de propriétaire de chien. Puis je me suis dit que j'allais la Twitter, comme un Twittos de base, histoire d'archiver ce petit moment anodin. Je me suis dit aussi, comme à l'accoutumée, quitte à twitter un truc pas passionnant, autant essayer de le rendre rigolo. J'ai écrit cette légende, près de la photo : "Je crois qu'il va pécho cette jolie black...". J'ai failli poster ça. Et puis, je ne sais pas, au dernier moment, le nuage de la censure, la tyrannie des bien pensants, le dictature des donneurs de leçons... Ils ont tous fait leur travail et j'ai retenu mon geste.

Je me suis dit qu'on allait me traiter de raciste parce que je disais black au lieu de noir et que c'est mal ; ou en tout cas m'inviter à m'interroger sur mes problèmes relationnels avec les gens de couleur et ce besoin de dire black au lieu de noir. Qu'on allait me traiter de sexiste parce qu'encore une fois un mâle allait exercer sa domination. Pourquoi était-ce forcément le mâle qui allait pécho la femelle ? Quelle était cette vision machiste et réductrice de notre société que je m'apprêtais à alimenter ? Qu'on allait me traiter de d'ennemi des animaux à nier leur animalité et en leur prêtant des intentions qu'ils n'ont pas (fallait quand même voir l'excitation des protagonistes, mais c'est une autre histoire). Qu'on allait me demander si je n'avais rien de mieux à faire que de photographier des chiens pendant que des gens mouraient en Syrie.

J'ai retenu mon tweet, parce qu'il faisait beau et que je n'avais pas le coeur à me faire emmerder par la horde de "ceux qui savent"...